En écoutant son interlocutrice, Cloud ne put s'empêcher de réprimer un soupir de ce qu'on pourrait rapprocher à de l'agacement. La demoiselle semblait avoir réponse à tout, ou plutôt voulait qu'on le pensât ce qui était bien pire pour les personnes avec qui elle s'entretenait. Rufus et la Shinra étaient les ennemis d'AVALANCHE ? Sans blague. Comme s'il ne le savait pas... Il ne savait même pas où se trouver l'ancien président de cette multinationale d'ailleurs. Il comptait juste entamer des recherches plus poussées pour essayer de le dénicher. Il s'entretiendrait alors avec lui, en employant la force si nécessaire. Le barman grogna : « C'est pas malsain. C'est de plus en plus nécessaire. Si je peux faire l'effort de coopérer... Peut-être que Rufus aussi.. C'est tout.. Ce type est encore étroitement lié aux anciens Turks. Il suffirait que j'en retrouve un et que je fasse tout ce qu'il faut pour qu'il me conduise à lui... C'est mieux que de ne rien faire ! »

Le jeune homme regarda Eléanor avec un nouveau nuage de suspicion. Elle avait l'air bien téméraire pour le trouver étrange à vouloir rencontrer Rufus mais elle affirmait vouloir l'y accompagner. Qu'est-ce que l'ancien PDG de la plus grande entreprise de la planète qui tenait le monde dans ses mains aurait bien à dire à une fille de bonne famille un peu trop curieuse ? Soit la jeune femme était plus idéaliste et naïve qu'elle ne le paraissait, soit elle ne lui dissimulait quelque chose sur son identité. Pourquoi le président s'intéresserait-elle à elle sinon ? Il ajouta : « M'accompagner ? Et qu'est-ce que la propriétaire d'un refuge pourrait bien faire ? Eléanor, j'ai bien l'impression que vous ne me dites pas tout.. N'auriez-vous pas un contact parmi les anciens barons de la Shinra ? »

Elle avait essayé de dévier la conversation vers la possibilité d'un île où les habitants pourraient se réfugier. Ce n'était pas une mauvaise idée si on omettait le problème des typhons, des tempêtes en mer et des vents violents qui rendrait le voyage des plus éprouvants pour la population, si ce n'est fatale.. Et si l'île était submergé par un tsunami ? Étaient-ils vraiment plus en sécurité au bord de la mer ? Cloud ne pouvait s'empêcher de se rappeler ce qui était arrivé à Mideel lorsque la Rivière de la vie avait ressurgi d'un coup. Après réflexion, Utaï pouvait, à la rigueur constituait une bonne solution de replis. L'île formait à elle seule un continent, mais les flots y étaient très violents là-bas aussi. Tout revenait au problème du voyage. Le blond n'arrivait pas à joindre Cid et son précieux aéronef, comme s'il s'était évaporé dans les airs... Ils manquaient de moyens et tout les ramenait à la nécessité que la Shinra vînt réellement en aide à ses concitoyens comme elle le prétendait.

« Nous reparlerons de l'île ensuite. J'attends des réponses à mes questions pour le moment. De toute façon, il faut être lucide. Déplacer autant de personnes demandera un soutien matériel et financier dont nous ne disposons pas, trancha-t-il en essuyant machinalement le comptoir. »

Reeve aurait pu les aider, mais depuis l'attaque de Junon, ils étaient sans nouvelle de lui aussi. L'ancien chef du département du développement urbain avait réussi à constituer un réseau efficace. Or, Deepground l'avait mis en déroute... « Vous détestez le mensonge, n'est-ce pas ? conclut-il en soutenant son regard avec insistance. »

Cloud n'avait cessé de la fixer pour avoir ses précieuses informations. Elle s'était approché près de lui comme pour lui faire une confidence des plus secrètes. Elle remuait les lèvres, elle semblait prête à lui révéler ce qu'il voulait savoir...

...Une version sexy d'Hojo... hein ?! Le blond écarquilla les yeux et demeura bouche bée tant la plaisanterie l'avait surpris. Elle rigolait, n'est-ce pas ? Le blond fronça les sourcils, peinant à trouver dans son imagination limitée de quelle façon on pourrait trouver sexy cet espèce de savant fou. Il était légèrement voûté, portait de grosse lunettes crasseuses et avait une allure malsaine. Il était même complètement taré et, lors de leur dernière entrevue, il s'était même changé en monstre. Hojo, ce cher Hojo... Le barman se mit à ricaner aussi en compagnie de sa cliente. Hojo sexy... Non mais franchement !

Il reprit un peu son sérieux. Au moins elle connaissait de nom l'ancien chef du département de la recherche scientifique. Elle poursuivit ses justifications en levant les mains en l'air comme si elle se rendait. Mais ce simple geste lui annonçait qu'elle continuait de prendre les choses à la légère pour justement ne pas avoir tout à révéler. Qu'à cela ne tienne ! elle était disposée à l'assister, c'était l'essentiel, non ? C'était bien une fille de la haute société qui aurait pu fréquenter les barons de la Shinra dans sa jeunesse. Elle lui demanda aussi s'il n'avait pas lui-même un problème avec son passé ce qui ne manqua pas de le décontenancer. C'était gênant de parler de ce genre de choses. Ses joues s'empourprèrent un peu alors qu'il hochait timidement de la tête.

Mais il n'eut pas davantage le temps de se débattre face à son passé difficile car la jeune femme retint davantage son attention. Elle affirmait pouvoir trouver le numéro du Président ou du chef des Turks dans le calepin de ses parents. C'était une très bonne nouvelle ça ! Eléanor semblait chercher déjà dans ses poches après le dit Saint Graal. Elle en sortit finalement un petit bloc-notes duquel s'échappa une petite feuille de papier. Il se pencha et crut voir un gros machin tout rose. Pardonnez le vocabulaire, mais le barman ne trouvait pas d'autres termes pour qualifier ce dessin d'enfant. C'était touchant. Il voulut s'approcher pour mieux voir, comprendre ce que ça représentait, mais la jeune femme s'abaissa et le prit aussitôt. Elle chancela comme en proie à un soudain malaise et se laissa choir sur la même chaise que celle où se trouvait l'ivrogne qu'elle avait fait fuir quelques minutes plus tôt. Elle baissa alors la tête et s'enferma dans un silence profond qui ne manqua pas de toucher le blond.

Cloud s'approcha alors, pour voir si tout allait bien, ou si, tout du moins, elle ne faisait pas un réel malaise après avoir bu trop vite son verre ou autre. Peut-être lui fallait-il une bassine si elle n'avait pas le temps de se jeter au-dessus de la cuvette des toilettes. Il venait de la nettoyer mais ce n'étais pas grave. Il recommencerait. Et c'était mieux de régurgiter là-bas que sur le parquet du bar. « Est-ce que tout va bien, Mademoiselle ? lui demanda-t-il, inquiet, en posant une main amicale sur son épaule. » Elle tenait toujours devant elle cet étrange dessin dont le papier avait l'air mouillé par endroit. Il y avait comme des auréoles, comme s'il avait pluviné dessus. Une nouvelle tache sombre s'écrasa sur la surface froissée. Est-ce qu'elle pleurait ?

C'était une situation un peu embarrassante, pour l'un comme pour l'autre. Il pressa un peu l'épaule de la cliente espérant que son geste serait interpréter comme réconfortant. Devait-il faire comme si de rien n'était pour lui laisser un peu d'intimité et le mérite de nier tout état de faiblesse par la suite ou devait-il n'écouter que son bon cœur et s'en inquiétait davantage ? Il ne saurait lui apporter qu'un soutien bien médiocre cependant. Pourtant, il ne pouvait pas supporter voir cette femme si forte en apparence se décomposer devant ce machin rose. Il se pencha et vit qu'il s'agissait d'un grosse fée barbue qui lui rappelait quelqu'un. Il ne parvenait pas à se souvenir de qui. Ce n'était qu'un gribouillage après tout...

« Léa, je ne sais pas trop quoi dire pour vous réconforter mais, peut-être voulez-vous un peu d'eau ? Je ne vous la facturerez pas, c'est promis, bafouilla-t-il en tentant de faire de l'humour. »

Cloud ne savait pas vraiment si un simple verre d'eau suffisait à panser tous les malaises du cœur, mais il pensait tout du moins que cela faisait partie des attentions que pouvaient attendre les jeunes femmes éplorées. C'était... comme un façon de lui montrer qu'elle n'était pas seule. La cliente hocha la tête en guise d'approbation après avoir reniflé bruyamment. Le barman obtempéra aussitôt. Une bouteille d'eau minérale traînait dans un coin. Il s'en empare et en remplit un nouveau verre, vierge de toute trace d'alcool, et l'apporta à la dame. Il pensa aussi à lui donner à mouchoir afin qu'elle puisse se désencombrer les voies respiratoires si besoin. Elle avait l'air d'en avoir bien besoin en tout cas. Elle but doucement. C'est que ça passait moins bien que le Bourbon, hein ! La jeune femme attira ensuite une nouvelle fois son attention sur ce fameux dessin qui attira à nouveau l'attention du serveur, malgré lui. Si on parvenait à oublier tout ce rose, cette baguette magique, il avait des airs de Père Fouettard ce gros bonhomme ! Il lui rappelait bien quelqu'un.. mais impossible sur le coup de s'en souvenir exactement, comme si les couleurs vives de ce gribouillis servait de parfait déguisement à ce grossier personnage. Eléanor, après avoir respiré un bon coup, lui révéla les clés d'analyse de ce chef-d'œuvre qui s'avérait être de sa patte. Elle l'avait réalisé lorsqu'elle était encore une petite fille. Elle n'était pas si mauvaise en dessin pour son jeune âge... Celui qu'elle avait fait représentait en réalité son père dans un costume de magicienne féerique parce qu'il savait réaliser tous ses souhaits. Elle avait beau n'être qu'une enfant gâtée, c'était touchant de l'écouter ainsi parler de cet homme comme s'il vivait encore à travers un simple bout de papier. Aux vues de sa réaction, il ne pouvait qu'être retourné à la Planète, tout comme sa mère, morte lors de l'incident du réacteur 1. Cloud, en entendant cette simple référence à ses actions passées et les conséquences néfastes qu'elles avaient pu avoir sur la population, baissa la tête, honteux. S'il pouvait remonter le temps... Aurait-il agi différemment ? Force est de regretter que non.. Tout se serait passé de la même façon... Il se mura dans son silence et n'osa pas effleurer la jeune femme, se jugeant désormais mal placé pour lui apporter une quelconque once de réconfort.

Le blond laissa alors son interlocutrice fouillait dans le passé de son paternel sans trop y prendre part. Au grès des pages, qu'elle tournait rapidement, elle semblait, l'espace de quelques secondes refaire vivre un peu la mémoire de son père. Des croquis, des photos, beaucoup de notes. Ce calepin était bien rempli ! Lorsqu'elle fut arrivée à a fin, le cœur de Cloud se serra. Elle n'avait donc trouvé aucun moyen de joindre Rufus. Tout ça n'avait encore été qu'un vain espoir ? Finalement elle revint vers la page de garde et y trouva le précieux Graal : une série de numéros un peu effacés par le temps s'y trouvait. Avait-elle trouvé ?! Elle lui tendit le calepin en lui montrant le nom du Président dans la liste. Enfin une bonne nouvelle. Le barman s'en empara et sortit de son veston un petit bloc-note et un crayon qui servaient habituellement à pallier son manque de mémoire lorsque les commandes des clients étaient trop imposantes. Cette page lui procura de vive émotion. On y trouvait les coordonnées des barons de l'ancienne Shinra, mais aussi de membres affluents du SOLDAT. Une espèce de gribouillis bien compliqué et érodé par le temps laissait présager qu'il ne pouvait s'agir que de Sephiroth, lorsqu'il était encore un loyal à la compagnie. Les autres noms étaient plus malmenés mais il lui semblait reconnaître celui de Zack. Zack... De tendres souvenirs lui revinrent. Lui aussi, il était retourné à la Planète après l'avoir protégé.. Zack... Le jeune homme sourit d'un air mélancolique lorsqu'il survola ces quelques lettres. ACK... Zack. Il secoua la tête, chassant ses idées noires et retourna au fameux Rufus pour s'empresser de recopier le numéro. Pourvu qu'il fonctionne encore ! Mais comment son père pouvait-il avoir autant de coordonnées aussi importantes.... Tout les hauts cadres de la Shinra y figuraient... C'était là un mystère qu'il entendait résoudre.. Plus tard. Par égard pour sa nouvelle alliée qui avait fait plus qu'il n'aurait pu l'espérer pour mériter un peu de sa confiance.

Cloud se retourna vivement pour remercier Eléanor. Il vit alors qu'elle était en plein milieu d'une opération délicate chez les femmes distinguées qui ne voulaient pas s'accorder le mérite d'avoir pleurer. Il ne savait pas trop ce qui lui prenait, mais la joie que lui procurait cette trouvait fructueuse le poussa à s'élancer vers elle. Il la serra alors dans ses bras en s'exprimant maladroitement : « Merci beaucoup Eléonor ! Vous venez de me rendre un précieux service. Mais.. N'ayez pas honte d'avoir pleurer ou de devoir pleurer encore. C'est ce qui nous rend.. humain, non ? » Il rompit aussitôt l'étreinte. C'était gênant quand même... Fallait-il entrer en contact cette nuit avec l'ancien Président ou attendre une heure plus convenable. Il interrogea son associée sur ce coup du regard tout en sortant son PHS : « On essaye maintenant ? Si c'est le bon numéro, il va nous envoyer chier à cette heure, non ? » Le sourire du blond s'élargit comme si l'idée d'avoir le pouvoir de sortir Rufus de son lit l'amusait. Son vocabulaire se relâchait aussi, preuve qu'il s'ouvrait davantage face à cette inconnue qui venait offrir à l'humanité une aide des plus précieuses. Le plus dur restait encore à faire toutefois... Convaincre son ennemi d'hier à une éventuelle et temporaire alliance avec la résistance, pour le bien de la Planète et de ses habitants.

Cloud était à présent plus déconcerté qu'autre chose. Alors qu'il avait tenté comme il pouvait de réconforter la cliente, il s'aperçut bien assez vite, et une nouvelle fois à ses dépens, qu'elle avait déjà repris du poil de la bête. Elle le raillait comme à son habitude avec des airs tout à fait désinvoltes. C'était peut-être cruel ou égoïste, mais le jeune homme commençait à se demander si justement elle n'était pas plus humaine, touchante lorsqu'elle était en prise avec la mélancolie. Lorsqu'elle jouait les madames, bien que ce fût une attitude visiblement naturelle chez elle aux vues de son statut social, elle manquait d'authenticité. Il ignora royalement la plaisanterie en haussant les épaules, un sourire en coin sur le visage. En revanche, le résistant trouvait en cette personne bien particulière un soutien indéniable pour la lutte qui les attendait, ou plutôt, le devoir de combattre qui ne l'avait jamais quitté depuis qu'il avait quitté Nibelheim alors qu'il n'était encore qu'un adolescent, les yeux amplis de rêves et d'espoir. Désormais, lorsqu'il se regardait dans une glace, il n'y voyait que du mako et rien d'autre. Ils avaient besoin de l'assistance de l'ancien Président qui avait voulu faire trembler le monde entier et régner par la force et la peur.

Alors que le barman allait composer le numéro sur son PHS, Eléanor l'interrompit avec une nouvelle plaisanterie des plus.. incongrues ? Lui, Cloud Strife entretenir des relations ambiguës avec le chef de la maléfique Shinra ? C'était quoi encore que de ces rumeurs infondées... ?! Le blond écarquilla les yeux d'un air bien ahuri et secoua la tête en guise de protestation. Qu'est-ce qu'elle pouvait encore bien s'imaginer dans son esprit mal tourné et railleur ? Une image peu flatteuse lui traversa l'esprit et... c'était vraiment stupide en fait. Les joues du garçon s'empourprèrent une nouvelle fois. « Vous dites vraiment n'importe quoi quand vous êtes lancée..,  protesta-t-il en soupirant. Mais je garderai votre identité secrète si on me le demande. C'est promis. » Comment était-il sensé obtenir une aide des plus précieuses, trouver les mots justes si elle le taquinait derrière. C'était quand même une situation bien gênante...

La jeune femme s'empara d'un journal qui traînait non loin de sa table et en commença une lecture distraite. Pile le temps qu'il lui fallait pour tester le fameux numéro en évitant toute plaisanterie déstabilisante et envoyer un message à Rufus Shinra. Le blond décrocha son PHS, s'isola un peu et, après quelques brèves sonneries, entendit enfin la messagerie du Président : « J'ai autre chose à faire pour le moment, ne laissez un message que si nécessaire. Si je ne vous rappelle pas, inutile d'insister, faisait la voix de son vieil ennemi. » C'était lui ! C'était lui ! Son sang ne fit qu'un tour. Il était si près du but. Tifa et Aerith seraient fières de lui. Il éloigna l'appareil de son oreille. Devait-il se présenter au risque que le Président ne lui répondît pas. Il ne pouvait que jouer franc jeu aux vues de la situation, non ? Il rapprocha l'appareil et, après avoir entendu le signal sonore qui l'invitait à laisser un message, il parla dans le combiné d'un air grave.

« Bonsoir Rufus. C'est.. Cloud Strife.., entama-t-il après un lourd silence alors qu'il cherchait ses mots. J'ai un marché à te proposer. Peut-on se rencontrer pour.. discuter ? C'est vraiment important.. »

Une fois son message enregistré, il raccrocha et revint auprès de la cliente toujours en train de survoler la une du journal. Elle lui fit part de l'actualité qu'il avait déjà lu de toute façon. Il l'écouta, non sans une certaine contrariété car les récents événements du continent Nord l'inquiétait. Il avait comme un mauvais pressentiment. Il y avait le cratère Nord là-bas et ce n'était pas un endroit très recommandable qui n'avait d'ailleurs pas fini de livre ses secrets.. Pourtant Sephiroth et toute sa clique n'étaient plus, pas vrai, il les avait vaincus après tout. Cloud s'approcha. « C'est bizarre en tout cas.., soupira-t-il. L'ennui surtout c'est qu'il est devenu particulièrement difficile de s'y rendre avec la mer qui se déchaîne et les blizzards là-bas. Peut-être que ce ne sont pas les habitants qui veulent couper les ponts mais plutôt les conditions météos qui les isolent du reste du monde. »

Il ajouta, son PHS en main, prêt à y ajouter un nouveau contact : « J'ai laissé un message à Rufus. Il semblerait que ce soit le bon numéro. Pourrais-je avoir votre numéro pour vous tenir au courant de l'avancée des négociations. Je suppose que vous voudrez y participer, pas vrai ? »

La cliente était vraiment bizarre. Elle avait l'air des plus lucides et l'espace d'une fraction de seconde après elle débitait des paroles sans réel fondement. Pensait-elle vraiment qu'il faisait bon vivre sur le continent Nord aux vues de la situation actuelle ? La Planète partait complètement en cacahuète. Déjà lorsque tout était plus ou moins normal, les conditions climatiques étaient particulièrement rigoureuses et Cloud et son équipe s'étaient évanouis près de la falaise glacée, frisant l'hypothermie. Ils seraient morts de froid si un alpiniste ne les avait pas secourus. Effectivement mourir était plutôt gênant pour le futur.. Bien que maintenant les morts revenaient à la vie, alors bon.. Elle avait un humour bien particulier et sa manière de s'imposer et de faire du rentre dedans lui rappelait un peu sa première rencontre avec Cait Sith. Elle aurait eu bel air cette dame dans la peau d'une peluche. Le bond sourit un peu tout seul à cette simple idée. Eléanor dans un costume géant lui donnant assurément un cul beaucoup plus large qu'il ne l'était – non, non, il ne regardait pas son postérieur –.

Le barman haussa les épaules et son PHS en main attendit qu'elle lui révélât son numéro, afin qu'il pût la joindre en cas de besoin et surtout pour cette entrevue à venir avec Rufus. Il se serait bien passé de la jeune femme, mais il c'était grâce à elle qu'il avait pu entrer en contact avec le Président déchu. C'était un juste retour des choses après tout. Il avait déjà entré Eléanor – femme louche dans son répertoire, lorsque la principale intéressée lui balança une nouvelle boutade. Il haussa un sourcil en la fixant, complètement désemparé par une question aussi.. étrange. Un œuf ? Cloud ne se souvenait plus très bien de ses leçons de Sciences et cela le désemparait un peu. Il était tout simplement sorti du... enfin... bon.. vagin de sa mère. Est-ce qu'elle sous-entendait qu'il aurait pu être conçu d'une autre façon, comme un monstre en quelque sorte. Le jeune homme pâlit à cette seule idée. C'était idiot. Il était Cloud, Cloud Strife, un point c'est tout. Il se souvenait avoir vu ces créatures grandir dans des capsules métalliques alimentées par les cellules de Jénova et l'énergie mako du réacteur de Nibelheim. C'était inhumain. Le jeune homme se rembrunit, il n'aimait pas ce genre d'allusions. Elle ne devait sans doute rien y connaître, mais ce n'était pas le genre de plaisanteries à dire à quelqu'un quand même.

« Mais vous plaisantez ! Je.. ne sors pas d'un œuf.., soupira-t-il un peu désemparé par la question. Vous sortez d'une capsule vous ? Et.. Euh.. C'est.. quoi votre numéro alors ? À moins que.. ça vous va pas de le donner comme ça.. »

Autant aller à l'essentiel. Il s'adossa contre le comptoir pour se donner un appui vers la réalité et ne pas se laisser assaillir par le trouble qui aurait pu l'étreindre. Il n'y avait vraiment pas un chat ce soir. Cloud regarda la pendule. Il se faisait déjà tard. C'était pas mal de rester ouvert aussi longtemps en semaine, mais il en avait déjà marre. Tifa faisait vraiment un boulot de merde quand même. Depuis que le Septième Ciel ne servait plus de repas chaud, la clientèle s'était divisée par deux. Depuis qu'on s'était rendu compte que le barman ne savait pas faire de cocktails, deux tiers des habitués survivants s'en étaient allés eux aussi. Il était temps que Tifa vînt redresser la situation. Lui, il en avait sa claque de ne rien faire derrière le comptoir et de nettoyer la merde des autres.

« On va bientôt fermer vous savez, conclut-il, l'air ailleurs, les fantômes de Nibelheim le tiraillant quelque peu. »

Il se dit même que la région du Cratère Nord était peut-être même l'endroit le moins sûr après tout. Ca l'intriguait plus qu'il n'aurait voulu le laisser paraître. C'était quand même là-bas qu'il avait affronté Sephiroth et Jénova dans une lutte décisive pour la Planète. C'était là-bas que les Turks avaient été attaqués par Kadaj et sa clique de Jéno-Frangins. Il faudrait peut-être s'y rendre et s'assurer que tout allait bien. Cloud espérait surtout prendre un peu de temps pour lui le lendemain matin en partant de bonne heure sur sa moto pour faire des rondes, tuer quelques monstres pou l'exercice et se sentir libre avant sa grande confrontation avec Rufus Shinra, si tant est qu'il le recontacte. Il le fallait. Rufus, n'était pas stupide, il le ferait. Le barman ajouta un peu plus confiant : « Un dernier verre pour renflouer mes caisses ? » Rester commerçant. Rester commerçant...

La visiteuse avait toujours une petite plaisanterie sous sa manche pour décontenancer le jeune homme. Peu à peu, il cessa toutefois de prendre tout ce qu'elle pouvait lui dire au premier degré. Les œufs, les capsules, elle avait son propre langage, ses propres méthodes pour feindre l'insouciance et la bonne humeur alors que le monde partait en vrille. Même s'il la trouvait plutôt bizarre et qu'il estimait qu'elle parlait beaucoup trop par rapport à Tifa, il arrivait presque à Cloud d'envier cette étrange bonne femme. Néanmoins, il savait bien que chacun avait ses propres blessures sur cette Planète. Tout le monde avait tant souffert et forcément perdu quelqu'un de proche ces dernières années. Cette femme, par exemple, ne pouvait plus se retrouver dans les bras de son père pour la protéger et la remettre sur le droit chemin. Le blond se souvenait très bien avoir vu ses yeux embrumés par les larmes. C'était pour chasser ce sentiment dans le regard des gens qu'il acceptait de se battre. Mais il savait, par ailleurs que cette lutte était vaine et sa propre tristesse l'envahissait aussi, surtout depuis que Tifa et les enfants s'en étaient allés avec Aerith. Il n'avait personne à qui confier ses doutes. Il se serait même gardé de révéler ses craintes à sa propre amie d'enfance pour la préserver en prenant sur ses épaules seules la peine de tout un monde. Les yeux de Tifa avaient suffisamment pleurer comme ça.

Il n'y avait malheureusement pas de champagne dans ce petit taudis mais on ne manquait pas, en revanche, de bouteilles de vin de Corel et Cloud en déboucha une bien volontiers pour servir cette étrange cliente. Il remplit également son verre et le leva pour trinquer avec elle à des jours meilleurs, aux capsules et à toutes les futilités qu'elle voulait. Il fallait sourire. Elle n'était pas si désagréable que ça, une fois un verre ou deux de passer. Le barman se mit à rire lui aussi, pas un rire franc, mais un petit rictus plus marqué sur un petite fossette sur le coin droit de sa lèvre supérieure que par un son tonitruant. Aerith aussi aimait plaisanter. Il dédiait ce sourire à la petite marchande de fleurs.

« Vous dites vraiment n'importe quoi, Léa, avoua-t-il alors que la bouteille touchait à sa fin. Mais merci pour cette soirée et pour les précieuses informations. »

Demain la dure réalité reprendrait en commençant par une légère gueule de bois. Puis, il faudrait nettoyer un peu le bordel dans le bar. Profiter de la journée pour faire une petite ronde aux alentours de la ville afin de repousser des hordes de monstres toujours plus nombreuses en espérant recevoir sous peu un signe de vie de l'ancien Président Shinra. En début de soirée, il faudrait à nouveau ouvrir le Septième Ciel car cet étrange havre de paix devait continuer d'exister pour rassurer la population et, surtout, permettre une rentrée d'argent suffisante pour que la petite famille qu'il formait avec Tifa à présent ne manquât de rien. Peut-être qu'elle appellerait aussi, pour donner des nouvelles...

« Prenez soin de vous d'ici notre entretien avec Rufus, conclut-il avec sincérité. »

Ce rendez-vous pourrait bien être décisif pour bon nombre de personnes en ce vaste monde. Un rayon d'espoir venait de percer autour du ciel tourmenté d'Edge et de Midgar. Cloud aurait préféré qu'il n'ait aucun lien avec la Shinra mais c'était mieux que rien. Les beaux jours finiraient par revenir. Il n'en était pas sûr, mais, en revanche, il était certain qu'il le fallait, coûte que coûte.